TERRITOIRES ET NOURRITURE
(étude théologique)
Introduction.
La Bible ne
justifie pas, à mon avis, la conception moderne d’une terre qui nourrirait les
populations du Nord de manière excédentaire et pourrait éventuellement nourrir
les populations du Sud de manière satisfaisante, si les guerres, la volonté de
domination de certains groupes agroalimentaires et phytosanitaires, la
corruption généralisée de certains chefs d’état et de fonctionnaires, la
sécheresse organisée comme arme de guerre, la spéculation sur les matières
premières n’affamaient, jusqu’à leur anéantissement, des peuples entiers. Et de
même, la Bible ne nous indique pas la meilleure éthique à suivre en la matière.
Quand on pense que parmi les dirigeants de ces grands groupes prédateurs, il y
a de bons chrétiens, sûrs de leur salut, pour qui la vie d’un agriculteur qui
se suicide en Inde n’est qu’un détail économique.
Il faut ajouter
qu’il n’est pas question de faire ici œuvre d’historien : les textes
bibliques étant, dans le domaine de l’Histoire, souvent sujets à caution.
L’exemple territorial du « grand Israël » sous Salomon, décrit au 1er livre des Rois (5/1)[1]
– lequel allait de l’Euphrate à la Méditerranée et jusqu’aux frontières de
l’Egypte – est de l’ordre du mythe. Le « grand Israël » n’a jamais
existé sinon, au 7ème siècle av. JC, dans les fantasmes du roi
Josias qui se rêvait en nouveau David et nouveau Salomon (qui ne furent, en
fait que des chefs de clans). Les recherches archéologiques et historiques
actuelles prouvent que le royaume de Salomon était des plus limités et que le
temple, décrit comme fabuleux, était des plus modestes. Se lancer dans des
explications purement historiques, en la matière, serait une gageure. Nous en
resterons donc au seul domaine théologique.
Que ce soit le
premier ou ancien Testament et le second ou nouveau Testament, ils sont peu
prolixes pour ce qui est de la relation « terre-nourriture ». Ce que
nous pouvons dire, sans trop nous tromper, c’est que si une terre donne du blé
ou du fruit, c’est grâce à la vigilance et au travail du semeur ou du vigneron.
Dans le premier Testament, et principalement chez les Prophètes, c’est YHWH qui
est le semeur et le vigneron ; dans le second Testament, si, le plus
souvent, Dieu est le maître du champ ou de la vigne, les semeurs et les
vignerons – c’est-à-dire les hommes choisis pour ce faire – sont responsables
du rendement. Et dans la plupart des cas, pour les Evangiles, ce n’est pas le
rendement qui est mis en cause, mais la convoitise des semeurs et des vignerons
qui amassent plus qu’il n’en faut ou s’accaparent les biens du maître.
Face à cette discrétion qui pourrait
laisser place à une grande liberté d’interprétations plus ou moins hasardeuses,
voire des réflexions morales aussi rapides que péremptoires, j’ai choisi de
réfléchir sur l’expression vétérotestamentaire de « vaste et bon pays où
coulent le lait et le miel ». Cette expression a, en tout cas, le
mérite de lier le territoire et la nourriture.
1-
Le vaste et bon pays où coulent le lait et le miel.
Derrière cette expression que nous
retrouvons pour la première fois, avec Moïse sur le Sinaï, en Exode 3/8 – expression reprise 20 fois
dans le premier Testament (dont 15 fois dans le Pentateuque) et aucunement dans
le second [2]
– nous pouvons repérer une espérance fondée sur le souvenir légendaire des
délices du jardin d’Eden et sur le souvenir réaliste de ce que furent, pour les
Israélites, la Mésopotamie et l’Egypte ; deux régions auxquelles le peuple
d’Israël s’estimait lié, par le patriarche Abraham originaire d’Ur en Chaldée
et par Joseph, fils de Jacob, et Moïse. Ces deux contrées – l’Egypte étant la
plus « centralisée » autour du personnage du pharaon -, dont le
territoire évoluait au gré des victoires et des défaites guerrières, étaient
particulièrement fertiles. Pour la Mésopotamie, grâce au Tigre et à l’Euphrate
– deux fleuves qui irriguaient, d’après Genèse
2/14, le Jardin d’Eden – et, pour ce qui est de l’Egypte, le Nil
particulièrement décisif dans les interprétations des rêves du Pharaon par
Joseph. Ce fleuve, sous Joseph, permit à l’Egypte d’échapper à la sécheresse et
à la famine qui sévissaient en Canaan et sauva Moïse, enfant, d’une mort
certaine.
Au commencement, l’histoire entre
l’homme et la terre se fonde sur la rupture de la désobéissance[3].
Avant cette rupture, la terre est l’affaire de YHWH[4] ;
l’homme n’a qu’à tendre la main pour saisir, cueillir sa nourriture – une
nourriture exclusivement faite de fruits et de légumes[5]
– à la seule condition de ne pas prendre de l’arbre de la connaissance du bien
et du mal. Il existe d’ailleurs, en hébreu, une harmonie entre l’homme (l’adam) et la terre (l’adamah) de laquelle il a été tiré. Il
faut préciser que le sang (dam), qui
le fait physiquement vivre, partage la même racine hébraïque[6].
Après la désobéissance de l’homme,
la terre (adamah) est maudite (arar) à cause d’adam [7].
Cette malédiction sera terriblement effective lorsque la terre boira le sang de
l’homme (adamah boira le dam d’adam). L’épisode du meurtre d’Abel par Caïn rompt définitivement
l’harmonie entre la terre, l’homme et son sang. C’est pourquoi il ne peut
exister de « terre sainte ». La Bible remet ici fortement en question
la conception d’une « terre qui ne ment pas » ; ce qui ne veut
pas dire que la terre mente : elle subit, inerte, la conséquence de la
désobéissance d’Adam. La malédiction tient essentiellement dans le fait, non
qu’il lui pousse des épines et des chardons, mais que YHWH s’installe ailleurs,
hors d’elle et laisse l’homme y construire sa propre destinée. Car dès que
l’homme est chassé du jardin d’Eden (des Délices), YHWH ne se promène plus sur
la terre : il est ailleurs. Toutes ses interventions semblent venir de cet
ailleurs que l’on a localisé comme étant le ciel. Il existera, dès lors, une
réalité conflictuelle entre le sol (la terre), la nourriture de laquelle elle
peut être tirée et l’homme. La preuve de ce qui est avancé ici est la manne qui n’est pas tirée de la terre,
mais qui vient d’ailleurs ou du ciel. D’où le questionnement des Israélites,
hommes ayant l’habitude de tirer leur nourriture du sol : Man ou ? (Qu’est-ce ?), qui
donnera le nom de manne. Ce conflit,
conséquence meurtrière de l’envie et de la jalousie, s’étendra à toute
l’humanité. Dès lors, envie, jalousie, meurtre seront les fondements de la
volonté de posséder d’abord la terre, ensuite ses richesses, enfin l’homme
lui-même. L’esclavage sera intimement lié à la possession du sol et de ses
richesses qu’elles soient souterraines et fluviales avec l’or et les métaux
précieux, ou aériennes avec les céréales, les arbres fruitiers et l’eau.
Il n’existe donc aucune mention,
dans la Bible, d’une terre sainte, d’une terre mise à part comme on le ferait
d’un sanctuaire qui logerait des habitants exceptionnels. Bibliquement, il
n’existe pas de terre sainte, comme il n’existe pas de guerre sainte ou encore
d’écriture sainte[8].
Si toutefois Israël est appelé à être un peuple saint, c’est en tant que peuple
témoin de l’alliance de YHWH avec l’homme. Il faut, malgré tout, souligner que
la seule mention biblique de « terre sainte » (ademeth qodèsh) se situe en Exode
3/5. Nous y reviendrons car cette référence est importante pour la suite de
notre réflexion et ne remet pas en cause ce qui est dit précédemment.
2-
Trois interventions terrestres capitales de YHWH.
Je disais qu’après la désobéissance de l’homme, YHWH ne foulait
plus la terre. C’était plutôt une voix qui venait d’« ailleurs » (le
ciel ?) pour s’adresser à l’homme ou une action extérieure à la réalité du
sol (par exemple, la confusion des langues avec l’épisode de la tour de Babel).
Trois exceptions majeures doivent être toutefois signalées, exceptions qui
changeront la donne dans les relations entre Dieu et l’homme. D’abord en Genèse 18/1-3 et 10 :
« YHWH
apparut à Abraham aux chênes de Mamré alors qu’il était assis à l’entrée de la
tente à la pleine chaleur du jour. Il leva les yeux et aperçut trois hommes
debout près de lui. A leur vue il courut de l’entrée de la tente à leur
rencontre, se prosterna à terre et dit : ’’ Adonaï, si j’ai pu trouver
grâce à tes yeux, veuille ne pas passer loin de ton serviteur.’’ (…) YHWH
reprit : ’’Je dois revenir au temps du renouveau de la vie [9] et voici que Sara ta femme aura un fils.’’ »
La deuxième exception se trouve en Genèse
32/24-31 :
«
Jacob resta seul. Un homme se roula avec lui dans la poussière jusqu’au lever
de l’aurore. Il vit qu’il ne pouvait l’emporter sur lui, il heurta Jacob à la
courbe du fémur qui se déboîta alors qu’il roulait avec lui dans la poussière.
Il lui dit : ’’Laisse-moi car l’aurore s’est levée.’’ – ’’Je ne te
laisserai pas, répondit-il, que tu m’aies béni.’’
Il
lui dit : ’’Quel est ton nom ?’’ – ’’Jacob’’ répondit-il. Il
reprit : ’’On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as lutté avec
Dieu et avec les hommes et tu l’as emporté.’’ Jacob lui demanda : ’’De
grâce, indique-moi ton nom.’’ – ’’Et pourquoi, dit-il, me demandes-tu mon
nom ?’’ Là-même, il le bénit. Jacob appela ce lieu Peniel – c’est-à-dire
Face-de-El (Dieu) – car ’’j’ai vu Elohim face à face et ma vie à été sauve.’’ »
La
troisième exception se trouve donc en Exode
3/1 à 8 :
« Moïse
faisait paître le troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiân. Il mena
le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne d’Elohim, à l’Horeb.
L’ange de YHWH lui apparut dans une flamme de feu, du milieu du buisson. Il
regarda : le buisson était en feu et le buisson n’était pas dévoré. Moïse
dit : ’’Je vais faire un détour pour voir cette grande vision :
pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ?’’ YHWH vit qu’il avait fait un
détour pour voir et Elohim l’appela du milieu du buisson : ’’Moïse !
Moïse !’’ Il dit : ’’Me voici !’’ Il dit : ’’N’approche pas
d’ici ! Retire tes sandales de tes pieds[10],
car le lieu (maqôm) où tu te tiens
est une terre sainte (ademat qodêsh)[11]
Il dit : Je suis l’Elohéï de ton père, Elohéï d’Abraham, Elohéï
d’Isaac et Elohéï de Jacob.’’ Moïse se voilà la face, car il craignait de
regarder Elohim. YHWH dit : ’’J’ai vu la misère de mon peuple en Egypte et
je l’ai entendu crier sous les coups de ses chefs de corvée. Oui je connais ses
souffrances. Je suis descendu pour le
délivrer de la main des Egyptiens et le
faire monter de ce pays vers un bon
et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel, (…)’’ »
Ces
trois exceptions sont fondamentales : les interventions terrestres de YHWH
vont assurer 1) la nombreuse descendance d’Abraham dans laquelle seront bénies
toutes les nations, 2) la pérennité du nom d’Israël et 3) une terre d’abondance
(où coulent le lait et le miel). Or ces trois interventions terrestres de YHWH,
qui fondent concrètement l’alliance, ne réalisent pas immédiatement les
promesses qu’elles portent : elles engagent la parole divine qui, certes,
s’accomplira un jour, mais font appel dans l’immédiat à la confiance (la foi)
des interlocuteurs. Pour que ces promesses se réalisent, il faut qu’elles
soient participantes des lenteurs de l’histoire humaine. Et cela commence assez
mal : Sara rit de la promesse faite à Abraham, Jacob lutte
farouchement et illégalement contre Esaü son frère aîné qui devait en hériter
pour la lui arracher, et Moïse doute de son autorité (donc de celle de YHWH qui
l’a investit de la mission de libérer son peuple) face au pharaon.
Toutefois pour ce qui nous intéresse
au premier chef (la terre et la
nourriture), constatons que la mention d’une terre (eretz) d’abondance survient avec la personne de Moïse. Car il
s’agit bien d’une terre d’abondance. C’est ainsi que le conçoit Deutéronome 8/6 à 10, livre biblique
qui estime refléter et restituer la loi donnée à Moïse[12] sur l’Horeb (le Sinaï) :
«
YHWH ton Dieu te fait entrer dans un bon pays, un pays de torrents, de sources,
d’eaux souterraines jaillissant dans la plaine et la montagne, un pays de blé
et d’orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers, un pays d’huile d’olive et
de miel, un pays où tu mangeras du pain sans être rationné, où rien ne te
manquera, un pays dont les pierres contiennent du fer et dont les montagnes
sont des mines de cuivre. Tu mangeras à satiété et tu béniras YHWH ton Dieu
pour le bon pays qu’il t’aura donné. »
Avant
Moïse, la « terre promise » faisait partie d’un lot de promesses
fondé sur une alliance que YHWH avait conclu avec Abraham, Isaac et Jacob. Or
ce n’est pas par hasard que cette mention de la « bonne et vaste terre où coulent
le lait et le miel » soit contemporaine de Moïse. Moïse est
d’abord le grand législateur : la promesse de Dieu entre alors dans le
domaine du droit qui garantira la vie sociale du peuple d’Israël. Car derrière
l’expression « où coulent (où ruissellent) le lait et le miel », il
y une autre réalité que l’abondance : le lait indique, bien entendu,
qu ‘il y a du bétail, et aussi une terre fertile que l’homme pourra et
devra exploiter. Il est à noter que la désobéissance d’Adam ne remet pas en
question le fait que l’homme puisse, d’après Genèse 1/28, dominer la terre. Dès la désobéissance de l’homme, il
lui sera possible de bien ou de mal la dominer. C’est ici de sa seule
responsabilité. Si donc la loi de Moïse institue la stricte égalité entre les
individus, il faudra qu’une législation particulière garantisse le partage des
terres. Nous y reviendrons.
Quant au miel, il indique, outre la variété des fleurs et des
arbres fruitiers, les vertus thérapeutiques dont il est la source, qualités
connues déjà depuis longtemps dans l’antiquité, et appelle l’homme à se pencher
sur son prochain qui souffre. Le lait
symbolise ici le partage et l’égalité ; le miel symbolise la guérison et
la solidarité. On pourrait donc dire qu’Israël sera conduit vers une bonne
et vaste terre où se vivra le partage et l’égalité entre des hommes solidaires
et en voie de guérison (de la désobéissance originelle par la miséricorde de
YHWH). Il y a là tout le message prophétique que reprendra Esaïe, mais aussi
Jérémie et Ezéchiel. Or cette terre promise est tout le contraire de ce que
sont la Mésopotamie et l’Egypte, pays de servitudes et de possessions brutales.
Ici sont mises en lumière deux conceptions humaines de domination de la terre,
l’une fondée sur le droit, la reconnaissance du prochain et la responsabilité,
que devrait représenter Israël ; l’autre fondée sur l’asservissement, la
destruction et l’accaparement irresponsable du sol et de ses richesses, que
représentent la Mésopotamie et l’Egypte.
Il faut ajouter que la proximité
entre la Loi divine et la terre d’abondance est importante car elle va passer
d’une « parole orale » à une « parole écrite ». Désormais
la promesse d’une terre où coulent le lait et le miel est inscrite dans la
pierre de la Loi, pacte d’alliance entre YHWH et l’homme. Je soulignais précédemment
que s’il y a une loi, c’est pour qu’une vie sociale entre les hommes soit
possible. Vivre dans un bon et vaste pays où coulent le lait et le miel n’est
pas banal : la responsabilité des hommes est impliquée en droits et en
devoirs. Car s’il y a alliance entre Dieu et l’homme, cela suppose que l’homme
soit, sans conteste, coresponsable de cette alliance. Or l’homme, pour les
prophètes, rompra l’alliance avec Dieu lorsqu’il voudra posséder, asservir,
mépriser son prochain et refuser la guérison que YHWH voulait pour son peuple.
Le pays où coulent le lait et le miel se réduira alors comme une peau de
chagrin et l’abondance en viendra à se tarir comme se sont taris le partage,
l’égalité, la guérison et la solidarité. Le prophète Jérémie[13] affirme que Juda/Israël
a vu la promesse d’une terre où coulent le lait et le miel se réaliser
puisqu’il y résidait jusqu’à présent. Or cette terre va lui être retirée à
cause de son idolâtrie. Nous pouvons en déduire que cette terre d’abondance
n’est pas la propriété d’Israël. C’est la propriété de YHWH qui peut la lui
retirer selon le jugement qu’il portera sur les actes de son peuple. De même, Ezéchiel[14]
estime que cette terre d’abondance ne peut être que le don, donc la
propriété de Dieu qui peut refuser de la céder à un peuple rebelle.
3- Le principe du jubilé[15].
Cependant la terre promise sera
l’objet de convoitise : les nations païennes (Assyrie, Babylone, Egypte,
Perse, Macédoine/Grèce, Rome) et les puissants d’Israël (notamment les rois)
l’asserviront ou l’exploiteront de manière éhontée. Une réflexion théologique,
politique et sociale peut être alors discernée face à ces bouleversements que
connaîtra Israël : celle de la redistribution et de la restitution des
terres qui sera indissociable d’une libération sans condition d’un enfant
d’Israël qui, tombé dans la misère, doit se faire le serviteur de son
concitoyen. Il est rappelé, par là même, que YHWH est avant tout un Dieu
libérateur. C’est ce que le premier Testament développe dans la conception du
jubilé.
Pour mieux étayer notre réflexion
sur cette conception, il nous faut donner une autre interprétation du souvenir
légendaire du jardin d’Eden et du souvenir réaliste de la Mésopotamie et de
l’Egypte. Le souvenir légendaire de l’Eden partait du principe que ce jardin
des Délices (Eden) ne pourrait plus
être retrouvé puisque l’homme en avait été chassé définitivement. Le vaste et
bon territoire où ruisselaient le lait et le miel ne pouvait donc être un Eden
retrouvé ; il était autre chose : la réalisation d’une promesse d’un
Dieu qui voulait faire une alliance avec l’homme. Mais ce souvenir virtuel
puisait sa pertinence dans le fait que le Tigre et l’Euphrate, deux des quatre
fleuves baignant l’Eden, d’après Genèse
2/14, demeuraient malgré tout sur une terre maudite à cause de l’homme. Ces
fleuves, fertilisant la Mésopotamie,
étaient, pour Israël, une sorte de mémorial rappelant la désobéissance d’Adam.
Le fait qu’Abraham, obéissant à l’injonction de YHWH, quitte ce pays fertile et
s’en aille vers l’inconnu d’une promesse qu’il ne verra jamais se réaliser,
démontre qu’il quitte ce mémorial rappelant la désobéissance d’Adam, et sa
propre désobéissance, pour partir vers un pays promis par l’alliance que Dieu
conclura avec lui.
Quant au départ du pays d’Egypte, c’est d’abord le signe d’une
libération et d’une marche vers la justice d’une Loi qui, par l’intermédiaire
de Moïse, fondera socialement l’alliance de Dieu et d’Israël. Le pays où
coulent le lait et le miel est un pays où l’injustice de l’asservissement et de
l’esclavage ne sera plus admis. Ce pays ne pourra plus être la Mésopotamie (ou
la Chaldée) ou l’Egypte, pays de désobéissance et d’injustice. Le jubilé
rappelle socialement ces deux réalités en faisant mention du Dieu d’Abraham et
de son rappel insistant du souvenir de la libération de l’esclavage d’Egypte.
Tu compteras
sept semaines d’années, c’est-à-dire sept fois sept ans (qui) représentera donc
quarante neuf ans. Le septième mois, le dix du mois, tu feras retentir le cor
pour une acclamation ; [ au jour du Grand Pardon vous ferez retentir le
cor dans tout votre pays ; vous déclarerez sainte la cinquantième année et
vous proclamerez dans le pays la libération pour tous les habitants ; ce
sera pour vous le jubilé ; chacun de vous retournera dans sa propriété,
chacun retournera dans son clan. (…) ]
Si ton frère (ou
« coreligionnaire ») a des
dettes à ton égard et qu’il se vende à toi, tu ne l’asserviras pas à une tâche
d’esclave ; tu le traiteras comme un salarié ou comme un hôte ; il
sera ton serviteur jusqu’à l’année du jubilé ; alors il sortira de chez
toi avec ses enfants et il retournera à son clan ; il retournera à la
propriété de ses pères. En effet, ceux que j’ai fait sortir du pays d’Egypte
sont mes serviteurs (esclaves) ; ils ne doivent pas être vendus comme on
vend des esclaves. Tu ne domineras pas sur lui avec brutalité ; c’est
ainsi que tu auras la crainte de ton Dieu. (…)
[ Si un émigré
ou un hôte de chez toi a des moyens financiers, que ton frère ait des dettes à
son égard, et qu’il se vende à cet émigré qui est ton hôte, ou a un descendant
d’un clan d’émigré, il y aura pour ton frère, même après la vente, un droit de
rachat : un de ses frères peut le racheter, (…) quelqu’un qui est de la
même chair que lui, de son propre clan, peut le racheter ; ou alors, s’il
en a les moyens, il peut se racheter lui-même (soit intégralement, soit par
traites annuelles).» Mais « tu ne
laisseras pas (l’émigré ou l’hôte) dominer sur lui avec brutalité. S’il n’est
pas racheté de l’une de ces manières, il sortira libre avec ses enfants en
l’année du jubilé. » ] (Lévitique 25/1-2, 8 à 10, 39 à 43 et v. 47 à 54).
Notons que cette conception du
jubilé est spécifiquement de tradition lévitique. Ajoutons qu’elle ne fut
certainement jamais appliquée. Or les Lévites formaient la seule tribu qui ne
possédait pas de terre afin de s’acquitter au mieux du service du tabernacle
et, par la suite, celui du Temple[16]. Toutefois, Exode 32/25 à 29 précise que les
Lévites furent auprès de Moïse, contre Aaron et le peuple, après l’épisode du
veau d’or, et ainsi furent des alliés au service du détenteur de la Loi divine.
La conception lévitique du jubilé a le mérite de prendre en compte
essentiellement la libération d’Israël du pays d’Egypte. Ceci a pour
conséquence de justifier la redistribution des terres et la libération de
l’asservissement au bout d’un temps équivalant à approximativement deux
générations (49 ans révolus). L’argument tient dans le fait que ni la terre ni
l’homme ne sont la possession d’un plus riche ou d’un puissant. La terre est la
propriété du seul YHWH et l’homme son serviteur quel que soit son statut.
On retrouve une concordance de pensée entre le Lévitique et les
Prophètes qui met en valeur la libération du peuple, l’alliance de Dieu avec
Israël, l’égalité entre les hommes, la fidélité à une loi juste. La terre
promise n’est que le lieu où tout cela doit être vécu, c’est pourquoi elle est,
pour certains, inaccessible ici-bas, car toujours confrontée à l’infidélité
humaine, ou alors elle est une sorte de « promesse intermédiaire ».
C’est ce que pense l’auteur de l’Epître
aux Hébreux (11/8 à 10 ; 13 ; 16) qui a une vision très citadine
des promesses que Dieu accomplit en Jésus-Christ :
« Par
la foi, répondant à l’appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu’il devait
recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait. Par la foi, il
vint résider dans la terre promise, habitant sous la tente avec Isaac et Jacob,
cohéritiers de la même promesse, car il
attendait la ville ayant des fondements qui a pour architecte et constructeur[17]
Dieu lui-même. (…) Dans la foi, ils moururent tous, sans avoir obtenu la
réalisation des promesses, mais après les avoir vues et saluées de loin et
après s’être reconnus pour étrangers et voyageurs sur la terre. (…) En
fait, c’est à une patrie meilleure qu’ils aspirent, à une patrie céleste. C’est
pourquoi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu ; il leur a, en effet, préparé une ville. »
Notons que ce caractère
« citadin » de l’accomplissement des promesses est repris en Apocalypse 21/9 à 27 avec la
description de la Jérusalem céleste, dépourvue de temple, épouse promise au
Christ, dont les douze portes portent le nom des douze tribus d’Israël et les
douze fondements, le nom des douze apôtres du Christ. L’auteur de l’Epître aux Hébreux et celui de l’Apocalypse ont retourné les termes de
l’alliance divine, en abandonnant la terre promise au profit de la ville
promise. Si certains prophètes du premier Testament ont proclamé d’abord le
retour vers la solitude du désert[18], pour y faire le point,
afin de se diriger vers une terre promise où coulent le lait et le miel, terre
enfin méritée par un peuple désormais fidèle, d’autres, peut-être influencés
par l’exil en terre babylonienne ou égyptienne, ont proclamé que le retour au
désert permettrait d’accéder à une Jérusalem rebâtie par YHWH, une Jérusalem
nouvelle, une Sion délivrée, ouverte aux nations de la terre[19]. Les écrivains du second
Testament, sensibles à cette seconde proclamation, car pétris de pensée
grecque, pensent d’abord l’accomplissement des promesses comme l’édification de
la cité idéale[20].
Peut-être doit-on y voir la propension qu’ont les quatre Evangiles à faire se
dérouler l’essentiel du ministère de Jésus dans les villes, après un bref
passage dans le désert de Judée, les monts de Galilée et sur les rives de la
mer de Galilée. Notons aussi que les références évangéliques à la terre et à la
nourriture sont de l’ordre de la parabole ou du miracle.
4- En guise de conclusion ouverte.
-1- Sur le plan purement historique la
terre promise fut une utopie et n’eut jamais l’existence qu’on lui prêta. La
théorie du « Grand Israël » fut un phantasme du roi Josias qui
s’estimait nouveau David et nouveau Salomon. Or le contexte était, pour lui des
plus précaires, pris en étau entre deux grandes puissances qui voulaient
étendre leur empire : l’Egypte, d’un côté, et l’Assyrie de l’autre. La
terre promise, espérée par les écrivains du premier Testament était l’objet de
convoitise, ou encore considérée comme un lieu de passage pour les troupes des
envahisseurs.
-2- La religion de l’ancien
Israël lie la Loi de Moïse à la terre promise. Il y a donc une forte relation
entre Loi, terre et écriture. Et c’est dans la solitude du désert qu’Israël en
a la révélation. Si la Loi implique le lien social, la terre implique
l’enracinement de la responsabilité, de l’égalité, de la guérison et de la
solidarité. Soulignons que ce lien social et cet enracinement sont réunis dans
une seule écriture.
-3- Le passage de la terre où coulent le lait et le miel, terre
promise, à la cité idéale promise montrerait un glissement d’une religion
tournée vers la nature et essentiellement rurale, à une religion qui, en
quelque sorte se désincarnerait, abandonnerait un enracinement concret, pour
s’adonner à la spiritualité et à la spéculation intellectuelle.
-4- Ceux qui ont accompagné ce changement furent d’abord les
prophètes de l’Exil : qu’ils se soient enfuis en Egypte, comme Jérémie, ou
installés à Babylone, comme Ezéchiel, ils sont persuadés d’un retour vers la
ville de Jérusalem rénovée et libre, dont le temple ouvrira ses portes aux
nations de la terre. Or cette espérance ne se réalisera pas et ceux qui
comprendront cela seront les scribes qui donneront naissance aux écoles
pharisiennes. Ces écoles estimeront que seule la conservation des Ecritures est
essentielle car elles contiennent la Loi, certes, mais toujours la promesse
d’une terre où devront s’enraciner la responsabilité, l’égalité, la guérison et
la solidarité entre tous les hommes.
-5- Si la conservation des Ecritures n’oblige aucunement à
posséder une terre maudite à cause de la désobéissance humaine, l’attente d’une
ville divine ou céleste tente de l’ignorer totalement : l’épisode du
Désert et l’espérance de la terre où coulent le lait et le miel sont relégués
dans l’« ancienne alliance », et comme le dit l’auteur de l’Epître aux Hébreux, dans la droite
ligne du prophète Jérémie, « ce qui est ancien et qui vieillit
est appelé à disparaître » (8/13).
-6- Ceci n’engage que moi. Il ne fait aucun doute qu’une
harmonisation des pensées bibliques est impossible. La Bible est truffée
d’opinions différentes qui, parfois sinon souvent, s’opposent. Néanmoins ces
opinions sont conservées dans une Ecriture commune. Pour ce qui est de la terre
et de la nourriture, que l’on regarde l’aspect « rural » ou l’aspect
« citadin » de la religion d’Israël (dans laquelle j’inclus le
Christianisme primitif), l’une et l’autre ne sont pas fondamentales. Ce qui
importe, c’est la place centrale du peuple et de l’humanité alliés de Dieu.
-7- Toutefois, il importe de souligner que chacun des aspects a
une spécificité importante : l’aspect « rural » montre des
qualités d’opiniâtreté et de résistance ; l’aspect « citadin »
montre des qualités d’anticipation et de progression. Ces qualités sont-elles
compatibles ? Certainement et je laisserai le dernier mot à Jésus qui,
selon l’Evangile de Matthieu, dit
n’être pas venu pour abolir la Loi et les prophètes, mais pour les accomplir (5/17). Et je vois cette réalisation
d’une compatibilité possible dans l’opiniâtreté et la résistance
« rurales » de la croix et l’anticipation et la progression
« citadines » de la résurrection.
-8- Des questions peuvent se poser à nous aujourd’hui, si
toutefois nous prenons au sérieux l’enseignement biblique de la terre où
coulent le lait et le miel, c’est-à-dire où s’imposent la responsabilité,
l’égalité, la guérison et la solidarité entre tous les hommes ; si la
croix et la résurrection du Christ ont encore un sens pour un chrétien ballotté
au gré des vents néo-libéraux d’une globalisation « structurées » par
l’anarchie des seuls marchés ; si la rentabilité devient un critère (sinon
le critère) fondamental non seulement de l’entreprise mais aussi de l’existence
humaine : où nous situons-nous ? Quels sont nos pôles de
résistances et nos possibilités d’actions ?
-9- Une composante du Christianisme social estime que le Règne de
Dieu se construit déjà ici-bas par notre témoignage et la volonté de construire
un monde de paix et de justice. S’agit-il d’une « utopie »
(littéralement un « non lieu ») ou de l’engagement de tout
Chrétien ?
PETIT GLOSSAIRE.
1-
Les mots hébreux qui, dans le premier Testament, désignent la terre, le
territoire, le pays ou ce qui peut en approcher :
adamah :
1) terre ; 2) pays, contrée, monde ; 3) champ, campagne, terre
cultivée.
Mots
tirés de la même racine :
adam : 1) homme, humanité ; 2) comme adjectif : rouge, roux.
odêm : pierre précieuse rouge.
dâm : 1) sang ; 2) sang répandu, meurtre, crime.
dam :
ressemblance (« dans ton sang »).
Ademat-qodesh : terre sainte ; mais il faudrait le
traduire plus exactement par le néologisme « terrestrement »
saint.
erêtz :
terre, continent, pays, champ.
« êl-êrêtz
zâbat ‘hâlêb woudebâsh » : « vers (en)
une terre où coulent le lait et le miel ».
La traduction grecque des Septante rendent ainsi
cette partie Exode 3/8 : « ’eis
gên ‘réousan gala kaì méli ». Voir plus bas les termes grecs gala
(lait) et méli (miel).
‘hâlâb : lait.
‘élêb : 1) graisse ; 2) le meilleur.
debâsh : miel.
areqâ : terre.
mâqôm : lieu, endroit, place.
2-
Dans le second Testament les mots grecs qui peuvent désigner le mot terre où
s’y apparentent sont les suivants :
gê :
1) terre, sol, pays, contrée ; 2) terre ferme ; 3) terre opposée au
ciel. Employé 252 fois dans
le second Testament (ST) dont 100 fois dans les Evangiles.
kosmos :
monde, terre. Employé
187 fois dans le ST, dont 94 fois dans les Evangiles (79 fois chez Jean).
’oikouménê :
terre habitée (de ’oîkos, maison et ménô,
habiter), terre cultivée, univers. Employé 15 fois dans le ST : 1 fois en Mat. (24/14) ; 3 fois en Lc (2/1 ; 4/5 ; 21/26) ;
5 fois en Act. (11/28 : 17/6,
31 ; 19/27 ; 24/5) ; 1 fois en Rom. (10/18) ; 2 fois en Héb.
(1/6 ; 2/5) ; 3 fois en Apc.
(3/10 ; 12/9 ; 16/14).
patris :
patrie, contrée. Employé 8
fois dont 7 fois dans le ST : 2 fois en Mat. (13/54, 57), 2 fois en Mc
(6/1, 4) ; 1 fois en Lc
(4/23) ; 1 fois en Jn (4/44)
et 1 fois en Héb. (11/14).
topos :
1) lieu, endroit, contrée, région ; mais aussi 2) place, office, service,
3) passage d’un livre, 4) occasion, possibilité. Employé 92 fois dans le second Testament dont 80 dans le sens 1) : 50 fois dans les Evangiles (Mt, 10 ; Mc,
9 ; Lc, 15 ; Jn, 16) ; 12 fois en Actes ; 7 fois dans les épîtres pauliniennes ; 3 fois en Hb ; 1 en 2 Pi. ; 7 en Apoc.
3-
Pour ce qui est de la nourriture venue d’ailleurs ou du ciel, la manne, en
hébreu :
mân,
nous la retrouvons 14 fois dans le premier Testament : Exode 16/15, 31, 33, 35x2 ; Nombres
11/6, 7, 9 ; Deutéronome 8/3, 6 ; Josué 5/12x2 ; Psaume 78/24 ;
Néhémie 9/20.
Soulignons la particularité du texte de Josué 5/12 qui précise le temps de la
fin de la manne. Ce temps intervient
après la circoncision de tous les hommes du peuple d’Israël – en effet, les
rescapés d’Egypte qui errèrent quarante ans dans le désert ne furent jamais
circoncis -, et la première Pâque célébrée dans le pays de Canaan.
Nous ne retrouvons le mot manne
que 5 fois dans le second Testament (en grec : manna : Jn 6/31, 49, 58 ; Héb. 9/4 ;
Apoc. 2/17).
Le
mot grec gala, lait, n’apparaît
que 5 fois dans le ST : 2
fois en 1 Cor. (3/2 ; 9/7), 2
fois en Héb. (5/12, 13), 1 fois en 1 Pie. (2/2). Jamais il n’est rattaché
à la « terre où coulent le lait
et le miel »
Le
mot grec méli, miel,
n’apparaît que 4 fois dans le ST et n’est jamais rattaché à la « terre où
coulent le lait et le miel » :
Mat. 3/4 ; Mc 1/6 (Jean-Baptiste se nourrissait de
sauterelles et de miel
sauvage) ; Apoc. 10/9, 10 (le
témoin du Christ mange un livre dont le goût dans la bouche est celui du miel, mais qui devient amer une fois
avalé).
J.J. Demouveaux (octobre 2011).
[1] « Salomon dominait sur tous les royaumes depuis le Fleuve (l’Euphrate), sur le pays des Philistins
et jusqu’à la frontière d’Egypte » (1 Rois 5/1). Il est à noter que le
royaume fictif de Salomon est un royaume imposant, sorte de trait d’union
imposant entre la Mésopotamie et l’Egypte qui seront l’objet d’analyse par la
suite.
[2] Exode 3/8, 17 ; 13/5 ; 33/3. Lévitique 20/24. Nombres
13/27 ; 14/8 ; 16/13, 14. Deutéronome
6/3 ; 11/4 ; 26/9, 15 ; 27/3 ; 31/20. Josué 5/6. Jérémie
11/5 ; 32/22. Ezéchiel 20/6,
15.
[3] Je préfère le terme de
« désobéissance », sous-entendu « de l’humanité » que celui
de « chute », impropre bibliquement : l’homme et la femme sont
chassés de l’Eden et non projeté dans un abîme dont la terre serait le
réceptacle de désolation. Le terme de « chute » a été repris
abusivement des mythologies assyro-babyloniennes, elles-mêmes influencées par
de très anciens mythes sumériens. Des théologiens et pères de l’Eglise, comme
Origène, Augustin ou Thomas d’Aquin, l’emploieront, reprenant une conception
propre au Gnosticisme influencé par la mythologie moyen-orientale. Luther et
Calvin reprendront aussi improprement le terme.
[4] YHWH, le « tétragramme sacré » intraduisible, rendu
généralement par Yahvé ou encore Jéhovah. La Bible traduction Segond
a retenu la tradition juive qui ne nomme pas Yahweh, mais remplace systématiquement le tétragramme par « le
Seigneur » ou « l’Eternel ».
[5] Le fait de manger de la viande d’animaux
sacrifiés apparaît après le Déluge, voir Genèse
9/3.
[6] Ajoutons que dam, adam
et adamah peuvent aussi signifier la
couleur rouge et l’idée de ressemblance.
[7] « (…)
la terre (adamah) sera maudite à
cause de toi ; c’est dans la peine que tu t’en nourriras tous les jours de
ta vie, elle fera croître pour toi épine et chardon. A la sueur de ton visage
tu mangeras du pain jusqu’à ce que tu retournes à la terre (adamah) car c’est d’elle que tu as été
tiré. » (Genèse 3/17-19).
[8] La
seule référence biblique aux « saintes écritures » se trouve en 2 Timothée 3/15 : « Depuis ta tendre enfance tu connais
les saintes écritures ; elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse
qui conduit au salut par la foi qui est dans le Christ Jésus ». S’il
ne s’agissait pas d’une adjonction postérieure, cette référence ne semble en
tout cas pas paulinienne qui, lorsqu’il mentionne le terme
« écriture » ou « écritures » ne l’accompagne jamais de
l’adjectif « sainte(s) ».
Pour ce qui est du
caractère provisoire, passager, de la « sainteté » de la terre, les
diverses localisations du tabernacle (ou encore, selon les traductions, tente
de la rencontre ou tente d’assignation ou d’appel) dans le désert selon les
pérégrinations d’Israël, localisent aussi l’endroit provisoire, passager, où
seront élevés les lieux saint et très saint. Le temple qui se voudra une
réplique « en dur » du tabernacle, avec ses sanctuaires, sera
particulièrement maltraité en étant plusieurs fois détruit.
[9] Le
temps des pluies de printemps. Pentecôte ?
[10] Le fait d’enlever ses
sandales peut être compris comme celui d’abandonner, au seuil d’une parcelle de
terre momentanément sanctifiée, les objets ayant foulé jusqu’à cet endroit une
terre maudite depuis Adam.
[11] Littéralement : « car là où tu te tiens est
« terrestrement »
saint ».
[12] Si le livre du Deutéronome peut contenir un fonds ancien de textes légaux, il n’en
demeure pas moins que la grande majorité des lois que ce livre expose date des
7ème et 6ème siècles av. JC.
[13] Voir Jérémie
11/5 : YHWH a tenu parole en faisant résider son peuple dans un pays
où coulent le lait et le miel. Le peuple n’ayant pas tenu parole, en se
tournant vers les idoles, se verra chassé loin de cette terre. Toutefois en Jérémie 32/22, s’il est rappelé le
contenu de 11/5, est ouverte la perspective
qu’après le châtiment viendra la restauration de Juda/Israël quand YHWH
conclura avec lui une alliance perpétuelle.
[14] Voir Ezéchiel
20/6, 15 : Après la sortie d’Egypte, YHWH conclut une alliance avec le
peuple d’Israël afin qu’il entre dans un pays où coulent le lait et le miel.
Mais le peuple se tourne vers les idoles. Puis YHWH donne à Israël la Loi, ses
coutumes et les sabbats comme signes de son alliance. Le peuple se rebelle et
YHWH refuse de le faire entrer dans le pays promis. Toutefois sa compassion
sera la plus forte.
[15] Le terme hébreu pour
désigner le jubilé est iôvel qui veut dire soit
« bélier », soit un mot imitant un son de guerre et de triomphe, le
son tiré d’une corne de bélier.
[16] Voir Nombres 18/21 à
32, voir aussi Deutéronome 10/8-9.
[17] En grec « ‘hês technitès kaì dèmiourgos ‘o theos », littéralement
« dont Dieu est le technicien (constructeur) et l’architecte » : cette construction est issue de la
philosophie grecque qui avait cours dans la ville d’Alexandrie et qui fut reprise
par les sectes gnostiques. Le mot dèmiourgos
(démiurge) désignait, chez les platoniciens, le dieu architecte de l’univers.
Martin Luther pensait que l’auteur de l’Epître
aux Hébreux pourrait être l’alexandrin Apollos, dont le nom apparaît
notamment en Actes 18/24, 19/1 et
1 Corinthiens 1/12, 3/6, 4/6, 16/12.
[18] La notion du désert est
ambivalente dans le premier Testament. 1) Il est l’endroit où YHWH bénit,
conduit et sauve son peuple (Exode
13/18 ; Deutéronome 29/5 ; Josué 24/7 ; Jérémie 2/6 ;
31/2 ; Ezéchiel20/10 à 36) ; Osée 13/5 ; Psaume
136/16 ; Néhémie 9/19-21). 2) Il est l’endroit des infidélités du
peuple et de la colère de YHWH (Exode
14/3 à 12 ; Nombres 14/16 à 29 ; Psaumes 78/17 à 40, 52 ;
106/14, 26). 3) Il est un endroit aride qui refleurira et deviendra une
terre d’abondance (surtout chez Esaïe
32/15 ; 35/1, 6 ; 41/19 ; 43/19-20 ; 51/3) ou un
endroit qui protège (Ezéchiel 34/25).
Pour
le second Testament, le désert, outre le rappel d’épisodes relatés par le
premier Testament, est un lieu, avec Jean-Baptiste, de résistance, de
proclamation prophétique et de repentance du peuple (Luc 3/2) et, avec Jésus, un
Lieu de tentation, mais aussi
de prière et de méditation solitaires (Mt
4/1 ss ; Mc 1/12 ss ; Lc 4/1 ss ; 5/16 ; Jn 11/54).
[19] Voir Esaïe 24/23 ; 46/13 : 52/1 ; chap. 60 ; 62/1 et
ss ; 65 /18 ; 66/10, 14 ; Jérémie 3/16 à 18 ; 31/10 à
14 ; Joël 3/1 ; Michée 4/1 à 7 ;
Zacharie 1 à 13 ; Daniel 9/25 (selon l’ordre de la bible
hébraïque).
[20] Cette conception de la cité
idéale est particulièrement mise en valeur, au 5-4ème s. avant
JC, par le philosophe grec Platon et, au
1er siècle de notre ère, par le philosophe juif de culture grecque
Philon d’Alexandrie. Ce dernier, semble-t-il, influença fortement Apollos.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire