INTEGRISME.
Une mode
actuelle, des plus détestables, veut que l’on rattache le mot
d’« intégrisme » à l’Islam. On oublie que, avant la chute du Mur de
Berlin et l’effondrement de l’Empire soviétique, il stigmatisait un parti
minoritaire du Catholicisme, dont les sbires n’hésitaient pas à faire le coup
de poing pour le Front National ou mettre le feu à un cinéma. Et que dire de la
bande de néo-conservateurs qui entouraient George Bush, aux Etats-Unis, et se
réclamait des mouvements évangéliques ? J’ai eu l’occasion, dans ma
carrière de pasteur de l’Eglise réformée, de croiser la route de collègues dont
l’intégrisme (toutefois limité par la structure ERF de laquelle certains ont
pris la porte) n’était pas piqué des hannetons.
Il serait
ridicule de minimiser les dégâts que peuvent faire les intégrismes de tous
poils : ils ont parfaitement intégré (sans jeu de mot) les capacités
d’actions de toutes minorités agissantes, y ajoutant souvent la menace,
l’intimidation, le chantage et la violence, entre autres. On retrouve
l’intégrisme aussi dans les partis politiques et les mouvements syndicaux,
comme si ce qui devait porter la démocratie ou en révéler l’existence portait
en soi des pulsions de destruction et de mort.
D’où vient
le terme d’« intégrisme » ? Le dictionnaire Robert nous donne
cette définition : « (1950 ; de intégriste). Doctrine qui tend à maintenir la totalité d’un système
(spécialement, d’une religion). » Et à « intégriste », il est
spécifié : « (1907 ; de integre
d’après l’espagnol). 1) Historiquement. Membre d’un parti espagnol qui cherchait à
soumettre l’Etat à l’Eglise. 2) Emploi
moderne. Partisan de l’intégrisme. » Si nous remplaçons de mot
« Eglise » par « idéologie » ou « religion » (ce
qui revient au même) nous pouvons mieux comprendre les enjeux qui animent ces
minorités, les rendant d’autant plus dangereuses et à combattre absolument.
Si nous
nous référons aux seules religions (et particulièrement les religions
monothéistes), nous sommes confrontés à nombre de réalités desquelles je dégage
trois prétentions essentielles : l’universalité, la certitude d’avoir
raison et le prosélytisme. D’abord la conception de l’universalité suppose que
l’on soit unique et que tout adhérent « intègre » ce facteur d’unité.
Ensuite, avoir la certitude d’avoir raison relativise, parfois jusqu’à nier,
que l’autre puisse avoir un avis pertinent en la circonstance. Enfin, le
prosélytisme suppose que le disciple suive au plus près le
« catéchisme » qu’on lui inculque. Derrière ces trois prétentions il
y a une prétention majeure : celle d’être le représentant d’un
« tout », d’une « totalité » de laquelle essayer de
s’extraire est reçu comme une trahison absolue qui fait de l’individu
« rebelle » un ennemi à exterminer. Les nombreuses guerres de
religions, provoquées par les monothéismes, semblent en être historiquement la
preuve.
Constatons
alors que, dans ses prétentions à exprimer la « totalité »,
l’« universalité », ces religions sont fondamentalement
« totalitaires » et portent en elles le germe de la mort qu’elles
peuvent octroyer à tout opposant, et ceci sans état d’âme, mais aussi celui de
leur propre mort. L’intégrisme est, à mon avis, l’expression la plus palpable
de cette pulsion de mort. Car, au bout du compte, qu’est-ce que l’intégrisme
sinon un pessimisme, poussé à son extrémité ultime et inhumaine, qui nie toute
liberté à l’individu et le considère comme quantité négligeable jusqu’à
l’envoyer à la mort. Et cette mort peut être acceptée, consentie, comme celle
des kamikazes qui se font sauter au milieu de la foule, ou des pauvres
précipités dans la deuxième Croisade. Cette mort peut être, de même, exercée
sur l’autre comme le firent, par exemple, l’Inquisition brûlant les hérétiques
et les Puritains massacrant les Indiens d’Amérique.
Car je
pense que pour l’Intégrisme tout le monde est suspect. Même le plus proche
parmi les activistes qui entourent l’intégriste n’est jamais quelqu'un de
sûr : il peut faillir. D’où la nécessité de bannir tout esprit critique ou
toute liberté de conscience : le lavage de cerveau est alors de rigueur. Se poser
des questions est déjà une faute impardonnable. L’intégriste nie toute
confiance en l’autre dès lors que cet autre vit et peut, éventuellement,
douter. L’intégriste n’a pas d’ami, il n’a que des coreligionnaires.
L’intégriste ne vise qu’une chose : l’absolu. Or comme il ne peut
l’atteindre, comme tout humain, il ne lui reste que la mort, la sienne et celle
des autres, comme seul aboutissement.
Il est
intéressant de constater que l’Intégrisme, de quelque idéologie qu’il vienne,
ne peut se suffire à lui-même. Il a besoin de s’exprimer, de manière violente,
politiquement et socialement. Son caractère nihiliste vise à la disparition de
tout et de soi-même puisque notre monde, ennemi irréductible, est perdu. Parmi
les conseillers de George Bush, il y avait des adeptes d’une forme
d’« évangélisme » (mais peut-on employer une telle expression qui
prend sa source dans « évangile », c’est-à-dire « bonne
nouvelle » ?), lequel « évangélisme », estimant le monde
perdu, poussait à sa destruction par la guerre contre le « mal » et
le pillage écologique. Plus vite le monde serait anéanti, plus vite viendrait
le règne de Dieu en remplacement. A travers cette idéologie, s’expriment non
seulement une volonté de puissance, mais aussi une volonté de possession
absolue que l’on retrouve dans l’ultra libéralisme, quitte, si l’on n'arrive
pas à ses fins, à tout détruire. Je pense donc que l’ultra libéralisme est une
manifestation intégriste de cet « évangélisme » qui s’exerce jusqu’à
asservir les peuples et les détruire.
C’est
pourquoi tout acte de résistance est important en la circonstance, car à
travers la « rigueur » économique qui s’abat sur les peuples, alors
que les Etats n’ont jamais été si riches, c’est la pulsion de mort d’un
intégrisme économique qui s’exerce, jusqu’à la destruction d’édifications
politiques qui ont mis des décennies à se construire. C’est la paix des nations
qui est remise en cause et, ici, on ne peut accuser le seul intégrisme
islamique. Cet intégrisme économique est autrement plus dangereux.
J.J
Demouveaux.
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